Le conseil d’administration du CNFPT a examiné le rapport faisant le bilan de l’année 2022 de l’apprentissage dans la Fonction publique territoriale. Il confirme la montée en charge de la compétence apprentissage avec 12 489 contrats pris en charge par le CNFPT (sachant qu’environ 300 contrats transmis très tardivement restent encore à instruire à cette date), soit une hausse de 9,1% par rapport à 2021. Pour rappel, en 2019, lorsque la compétence apprentissage est confiée au CNFPT, le nombre de nouveaux contrats par an était de 7500.
Concernant la répartition par niveau de qualification, les données de 2022 viennent corroborer les deux tendances majeures constatées depuis plusieurs années :
- la baisse relative en pourcentage des contrats concernant le premier niveau de qualification ;
- la hausse régulière des effectifs d’apprentis préparant un diplôme de l’enseignement supérieur, notamment de niveau égal ou supérieur à la licence.
Concernant le coût moyen annuel total facturé par les Organismes de Formation (OFA), incluant la part du CNFPT et le reste à charge de la collectivité territoriale, il augmente de manière importante, passant de 6 491 € en 2021 à 7 143 € en 2022. La demande croissante en apprentis sur des diplômes du supérieur contribue sans doute, pour partie, au renchérissement du coût moyen de formation.
Comme pour la cohorte de 2021, deux diplômes concentrent un volume prédominant d’apprentis, soit 16,9 % des effectifs (17,8 % en 2021) : le CAP accompagnement éducatif petite enfance et le CAP jardinier paysagiste.
Un financement mis à mal
Dans une seconde partie sur les perspectives pour 2023, le rapport soumis au Conseil d’administration met en avant que le financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale n’est plus assuré à un niveau constant à partir de 2023 suite aux différentes annonces du gouvernement de son retrait progressif du système de financement.
Pour 2023, le système de financement initialement posé avec l’Etat et la coordination des employeurs territoriaux reste garanti, tel que prévu par le dispositif de la loi de finances pour 2022 :
- Une cotisation maximale égale à 0,1 % de la masse salariale des agents territoriaux versée par les collectivités territoriales et leurs établissements, soit 45M € ;
- Une contribution de France compétences limitée à 18,75 % des dépenses dans la limite d’un montant annuel maximal de 15 millions d’euros en 2023 ;
- Une contribution de l’Etat à hauteur d’un montant annuel maximal de 15 millions d’euros pour les années 2023, 2024 et 2025 ;
- Une contribution du CNFPT sur son budget principal de 10 M€ (hors frais de gestion).
Le système de financement tel que prévu par la loi de finances pour 2022 était construit autour d’une volumétrie de 8 000 contrats par an. La réalité des coûts et durées moyens constatés actuellement permettent de financer avec les crédits énoncés ci-dessus 9 000 contrats.
Pour les années 2024 et 2025, le financement de l’Etat reste conditionné au vote annuel des crédits en loi de finances tel que prévu par la convention entre celui-ci et le CNFPT, mais une dégressivité du financement de France compétences est actée par une circulaire primo ministérielle du 10 mars 2023 : la contribution est plafonnée à 10 millions d’euros en 2024 et à 5 M€ en 2025, au lieu de 15 millions actuellement.
Des intentions de recrutement en forte hausse et un budget en baisse
Une campagne de recensement des intentions de recrutement d’apprentis pour l’année 2023 a été conduite par le CNFPT entre le 23 janvier et le 17 mars 2023. 3 636 collectivités territoriales ont participé à ce recensement et 17 707 intentions de recrutements d’apprentis dans la fonction publique territoriale ont été recensées jusqu’à cette date, d’autres collectivités s’étant signalées postérieurement. Pour mémoire, 13 305 intentions de recrutement avaient été recensées pour 2022, pour 12 702 contrats transmis in fine et financés par le CNFPT grâce à des excédents financiers exceptionnels suite à la période du COVID.
Les grands comptes concentrent les gros volumes d’intentions. Ainsi, 3 % de collectivités représentant 31 % des demandes, et 145 collectivités territoriales sollicitent entre 20 et 100 contrats. 962 collectivités territoriales ou établissements sollicitent pour la première fois du financement de l’apprentissage par le CNFPT : ces « nouveaux entrants » représentent 26 % du total des collectivités territoriales ayant répondu au recensement.
A ce stade, 17 700 contrats représenteraient un engagement financier de plus de 162 millions d’euros. Cette dépense ne serait plus couverte qu’à 46 % par les recettes résultant de la cotisation apprentissage versées par les CT de 45 millions d’euros, de la participation de l’Etat pour 15 millions d’euros et de la participation de France compétences pour 15 millions d’euros.
En plus des 10M€ d’ores et déjà prévus, ce serait donc 77 millions d’euros supplémentaires que le CNFPT devrait mobiliser sur son budget général. Soustraire 87 millions d’euros de la cotisation formation conduirait l’établissement à renoncer à près de 80 % de son offre de formation hors formations initiales et contributions obligatoires.
Le dispositif de financement apparaît désormais totalement hors de contrôle et met en péril la mission première du CNFPT. Aussi, le conseil d’administration du 28 juin 2023 a acté un plafonnement à 10 000 apprentis pris en charge sur 2023. Un courrier a été adressé en ce sens à tous les exécutifs ayant sollicité au moins un contrat.
Des critères de régulation pour les demandes de recrutement d’apprentis
Il est ainsi proposé d’adopter, au titre de la cohorte 2023, les critères de régulation d’allocation suivants :
- L’enveloppe budgétaire disponible sera affectée aux collectivités ayant fourni leurs intentions de recrutement dans le cadre du recensement ;
- Un accord préalable de financement sera accordé à toutes les collectivités souhaitant recruter un seul apprenti ;
- Une règle de financement d’un contrat sur deux sera appliquée à toutes les collectivités ayant indiqué qu’elles entendaient recruter au moins deux apprentis, avec arrondi à l’entier supérieur.
Une demande d’égalité de traitement entre public et privé
L’apprentissage représente une chance, tant pour les employeurs territoriaux que pour les apprentis, qui plus est dans un contexte où les collectivités territoriales peine de plus en plus à recruter. De plus, le gouvernement en a fait – à raison – un enjeu majeur de la politique éducative de notre pays. Dès lors, il est navrant de constater un tel désengagement de l’Etat concernant l’apprentissage dans le public alors que dans le même temps, dans le privé, outre le financement à 100 % par France compétences, l’Etat subventionne à hauteur de 6 000 € chaque contrat.
L’établissement ne peut que regretter et dénoncer cette situation qui en plus de fragiliser sa situation financière, vient mettre à mal le contrat de confiance entre les collectivités territoriales et le CNFPT, comme en atteste les nombreux courriers d’élus à juste titre mécontents. Le CNFPT demande l’égalité de traitement entre les apprentis, dans le privé comme dans le public, ces derniers ne valant pas moins que les premiers, avec un engagement étatique équivalent et égalitaire.